
© Photo : Aboriginal Signature Gallery with the courtesy of the artist and Ernabella Arts
Art aborigène ou Delaunay
Bernard Estrangin, membre de l’association nous transmet sa dernière newsletter, pleine d’intérêt.
Reconnexion physique et spirituelle avec la terre sacrée
En ces périodes troublées j’espère que vous vous portez bien et je tiens à remercier ceux d’entre vous, bénévoles, membres du corps médical pour votre engagement généreux auprès du plus grand nombre.
Cette solidarité nous aidera à passer ce cap qui touche chacun, y compris nos amis Aborigènes au-delà des océans, dont les communautés artistiques ont dû fermer face à la plus grande fragilité de cette population face au virus.
Même si la galerie ne peut plus vous accueillir physiquement, nous continuons à soutenir nos artistes et leurs communautés, et restons à votre disposition par d’autres moyens comme les réseaux et le téléphone.
Et si l’art venait à vous dans cette période de confinement, comme une extension virtuelle de la galerie à travers les ondes, pour nous nourrir autrement. J’aimerais profiter de ces moments pour vous présenter les œuvres de l’artiste Pepai Jangala Carroll (1950) d’Ernabella actuellement exposé à la galerie (jusqu’au 28 mars), à l’aide de quelques visuels et commentaires que je viens de rassembler après une conférence il y a quelques semaines.
Telles des passerelles entre cultures du monde, je vous invite à observer les correspondances inattendues et déconcertantes entre son travail et celui de l’artiste Serge Poliakoff (1900-1969). Là où le peintre français évoque des compositions bleues et vertes, lui célèbre avec profondeur le territoire ancestral de son père.

Le cheminement des deux artistes sont radicalement différents. Comme on le voit dans les travaux sur céramiques de Pepai, les formes structurées, géométriques, ornent l’argile avec des scarifications bien délimitées et profondes, composées de triangles et losanges qui habitent son imaginaire, comme une vision kaléidoscopique des structures de l’espace désertique.
Dans un processus d’innovation radicalement contrasté avec l’art occidental, Pepai y déconstruit les formes de sa terre pour les reconstruire et en reconfigurer le sens au services de la transmission de l’histoire des lieux.

Puis en 2017, un changement remarquable va se produire avec le pèlerinage de l’artiste sur le territoire de son père plus au nord dans le désert central. Il va alors se reconnecter physiquement et spirituellement avec ces endroits sacrés, et ces espaces désertiques immenses où alternent des lacs salés. Une individualité artistique toute particulière va continuer à prendre forme grâce à un héritage culturel à cheval sur plusieurs territoires et clans dans le centre de l’Australie, entre les Aborigènes Pintupi et ceux du APY land.

Depuis les formes deviennent plus diffuses avec un point libéré, presque duveteux, autour de teintes blanches, grises et crème très distinguées, zébrées par les vibrations noires des grands ancêtres serpents, ou des cheminements des anciens à travers le désert.
Face à ses œuvres, notre regard est absorbé par le geste de l’artiste. Par endroit la densité contrastée des points offre des effets de volume, ou ils se conjuguent pour disparaître dans des à-plats de couleurs soulignés de griffures distinguant les formes des signes ancestraux.
Aujourd’hui les contours des blocs s’émoussent, et confinent presque à l’abstraction chez Pepai. Telle une grille de lecture familière, ses représentations nous permettent d’appréhender sa démarche mémorielle et réussissent à établir une passerelle culturelle avec un artiste pourtant situé à 17 000 km de nous, de l’autre côté de la planète.

L’abstraction ne guide néanmoins pas à la création ici. Les formes évoquent des fragments de cartes habitées par la tradition orale. L’image décomposée de l’espace, représente son territoire ancestral dans une grammaire visuelle établissant des correspondances entre les ancrages terrestres et le monde spirituel. Notre regard occidental, non initié, mais invité dans ses compositions, se laisse guider et bercer par cet appel grandiose à la contemplation.
Le parcours de cet homme installé depuis des décennies à Pukatja puis Ernabella dans les terres éloignées du APY land est exemplaire à plus d’un titre. Née en 1950 à Walungurru (Kintore) dans le pays de son père près de Haast Bluff, il ira à l’école à Papunya puis voyagera en famille avec des chevaux vers Eagle Bore. Son premier travail consistera à la construction de clôtures autour de la station d’Ernabella, jusqu’à devenir directeur de l’organisme régional de santé Nganampa Health. Il sera également président de la communauté pour un temps, puis agent de la collectivité avant de prendre sa retraite en 2006 pour raison de santé.

C’est à ce moment là qu’il embrasse une carrière artistique en commençant à peindre au centre d’art d’Ernabella en 2009. Son autorité naturelle, ses qualités d’écoute, le conduisent rapidement à devenir président exécutif d’Ernabella Arts en novembre 2010. Très rapidement ses peintures comme ses céramiques d’Ernabella, incorporent les collections publiques de la Galerie nationale de Victoria, et de la Galerie d’art de l’Australie du Sud. En 2016 et 2017 il est sélectionné comme finaliste du prestigieux NATSIAA – TELSTRA Award au Musée National de Darwin.
Bertrand Estrangin
Aboriginal Signature Gallery
Découvrez en ligne les œuvres de Pepai présentées à Bruxelles jusqu’au 28 mars
© Photo et slides : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of Ernabella Arts (APY land).
Focus sur une peinture de l’artiste Janice Stanley (1987) – Ernabella

Voilà une œuvre qui étonne et décoiffe, bien loin des canons esthétiques attendus de l’art Aborigène d’Australie. Et pourtant nous sommes au cœur du désert rouge, dans la région aride de Pantu près d’Atila (Mt Connor) dominée par un magnifique lac salé.
L’artiste Janice Stanley, la plus jeune de l’exposition en cours à Bruxelles (1987 !), nous invite à contempler ce territoire de l’infiniment petit, à l’extrêmement grand.
Au plus près du sol, dans les craquelures et dégradés sur la toile, apparaît le mouvement presque séminal des esprits qui ensemencent la terre. Les épanchements d’eau traversés hier par les grands ancêtres « Seven Sisters » sont magnifiés dans des effets de matière ourlés par les pistes chantées nacrées.
Puis les 7 sœurs gagnent le ciel pour inventer les constellations des Pléiades.
Janice s’envole alors avec elles pour embrasser ces immensités tel un oiseau migrateur, et nous offre dans la même œuvre une vue magnifiée de la planète terre.
Même à distance, nous pouvons apprécier ces peintures remarquables qui nous racontent une autre histoire du monde et de la relation avec le vivant, dans un lieu aussi éloigné que Pantu dans le désert Australien.
Découvrez l’œuvre plus en détail sur le site de la galerie : Galerie
Découvrez aussi l’ensemble des peintures disponibles, réalisées par les grands artistes d’Ernabella sur 3 générations, avec des photos des œuvres in-situ à Bruxelles dans les salles d’exposition : Ernabella
Vol d’approche vers Ernabella en 2014, en mono-moteur, juste au dessus du désert

En 2014, nous étions deux avec mon pilote, dans un mono-moteur au-dessus du Grand Désert du Victoria en Australie, quand la pluie est arrivée nous contraignant à descendre plus près du sol et à faire demi-tour. L’avion ne pouvait pas voler dans les nuages sans aucune visibilité. Des trous d’air terribles malmenaient notre cœur.
Je tentais de prendre une photo du sol, avec cette vision des nuances du territoire, des zones encore léchées par le soleil et d’autres assombries par la pluie battante. Quelle terre merveilleuse, habitée, dont les nuances de la lumière et des teintes offrent des palettes chromatiques inépuisables sources d’inspiration pour les grands artistes Aborigènes d’Australie.
On en parle dans la Presse – le magazine d’art Mu-inthecity
Un grand merci à Mélanie Huchet pour sa plume et sensibilité, et au magazine d’art Mu-inthecity qui nous suit avec fidélité et enthousiasme depuis les débuts de la galerie. Bel article à lire sur l’exposition en cours à la galerie jusqu’au 27 mars.
A découvrir en podcast ici : Podcast
Les artistes au cœur de la Création

C’est à chaque fois très émouvant de voir les artistes au cœur de leurs œuvres, en pleine création. Ici à Ernabella dans le APY lands, chacun prépare les peintures qui sont actuellement exposées à Bruxelles jusqu’au 28 mars.
Concentrés, attentionnés, avec leurs pinceaux ou tiges en bois, ils révèlent progressivement leurs histoires du Temps du Rêve sur la toile. Point de croquis préalables, de tracés sous-jacents, tout est déjà ancré dans leur mémoire individuel et collective et prend forme à l’aide de points juxtaposés et de coups de pinceau délicats.
Ces grands artistes portent avec fierté et responsabilité le fil ininterrompu de leur culture, pour le transmettre aux nouvelles générations.

J’aimerais remercier Mel pour ces belles photos saisies sur le vif en pleine action, et Anne Thompson pour ces paroles fortes qui introduisent l’exposition à la galerie Aboriginal Signature à Bruxelles :
« Notre histoire est unique. Pendant de nombreuses années avant l’existence de la vie moderne, notre corps était la toile. Nous les peignions pour danser, chanter et raconter l’histoire de notre territoire et de notre Pays.
Nos esprits ont gardé ces histoires fortes, ce qui permet de les enseigner aux générations futures et de maintenir notre culture vivante.
Les anciens ont porté nos histoires depuis toujours pour les transmettre à leurs enfants. Nos aînés disent aujourd’hui « nous devons enseigner à nos enfants afin qu’ils puissent suivre et continuer ce que nous faisions ».
Aujourd’hui, notre génération a repris le rôle d’enseignant, donc nous procédons dans les deux sens, nous apprenons et transmettons à notre tour ».

Texte d’hommage lors de la journée internationale des femmes

En cette journée internationale des femmes, je souhaite rendre hommage aux grandes dames Aborigènes d’Australie. Depuis 18 ans, je suis sous le charme de leurs peintures qui traduisent avec audace, émotion et sensibilité la mémoire de leur peuple.
Elles y caressent la toile avec des myriades de points ou le geste énergique du pinceau, et redonnent vie aux pistes du temps du Rêve. Elles nous invitent à les suivre sur ces chemins empruntés depuis des lustres, pour y découvrir l’immensité du territoire, les ondulations des dunes, les rares végétaux sources de nourriture, l’importance de l’eau encore un peu présente dans les plissures de la terre.
Elles nous convient de l’infini grand, telles ces vues du ciel magnifiant la planète, à l’infiniment petit, dans les creux des rochers, au sein des galeries souterraines dessinées par les fourmis à miel et les tubercules. Nous passons de l’un à l’autre, comme dans une partition de musique, où leurs mains chantent et virevoltent au-dessus du sable, pour dessiner les histoires enseignées aux plus jeunes.
Sur leur peau parcheminée, nous y devinons la générosité de leur engagement et la vie chaleureuse du foyer. Les couleurs chatoyantes des toiles évoquent tout autant la terre rouge du désert que les flammes joyeuses du feu où chacun aime à se retrouver le soir, dans l’incandescence des cœurs, en résonance avec leur monde un peu épargné.
Leurs peintures sont des histoires d’amour au sens littéral comme figuré. En sublimant leurs lieux ancestraux, en soulignant les ressources fragiles à préserver pour le futur, leurs œuvres nous invitent à aimer la terre pour en prendre soin à notre tour.
Ainsi ces grandes femmes d’Australie accomplissent leur destin de passeur telles leurs mères avant elles. « Aujourd’hui, notre génération a repris le rôle d’enseignant, et procède dans les deux sens, nous apprenons et transmettons à notre tour», comme l’exprime Ann Thomson, la directrice du centre d’art d’Ernabella actuellement exposé à Bruxelles.
Leurs savoirs et messages graphiques ont une résonance plus universelle dans la recherche d’une harmonie plus vaste encore. Leurs voix nous interpellent et résonnent au-delà des frontières et des océans. Un immense merci aux femmes du désert pour ces peintures habitées.

La galerie est ouverte online du lundi au vendredi de 14h à 18h.
Nganampa ngura-nguru nyurampa ngurakutu (From our place to your place)
Art Aborigène d’Ernabella
Découvrez les œuvres en ligne ici : Oeuvres

« Our story is unique. For many years before modern day life existed, our body was the canvas. When our canvas go overseas, we feel emotional when we send them out because our culture is in the canvas. They sing and tell the story to the ground, our Country. It is still alive and we are connected to all things past, present and future ».
Anne Thompson, directrice Anangu (Aborigène) du centre d’art
Se rendre facilement en transport en commun à la galerie (pour l’instant la galerie est disponible ONLINE en raison du COVID-19).
BUS, TRAM : N°20 (arrêt Simonis). N°49 (arrêt Bastogne). N°19 (Besme). N16(Simonis). N°87 (arrêt Simonis). N°13, N°14, N°15 (arrêt Simonis).
METRO : Ligne 2 (arrêt Simonis). Ligne 6 (arrêt Elisabeth).
Vous êtes plus de 6000 à suivre la galerie Aboriginal Signature sur les réseaux sociaux. Rejoignez-nous.
- Suivez notre actualités sur Facebook
- Suivez notre actualité sur Instagram
- S’abonner à la newsletter de la galerie.
Site web de la galerie : http://www.aboriginalsignature.com
Aboriginal Signature Estrangin gallery
101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles – Belgium. Tél. : 32 (0) 475 55 08 54
Email : info@aboriginalsignature.com
Plutôt Poliakoff ? c’est vraiment magnifique. Ces artistes nous reconnectent à la source. Tout le monde non aborigène en a bien besoin. Amitiés, Claude
Envoyé de mon iPhone
>>
J’aimeJ’aime
Bonjour Merci beaucoup !! Je me réjouis de lire Amitiés Laurence
J’aimeJ’aime