Polémiques sur les masques, troisième partie

12 Yaka Archives D. Delbard, n° 2059

Georges m’a demandé: « sur quoi tu veux que j’écrive? », ben yaka, je vois que ça! lui ai-je répondu.
Donc voila la fin de ses polémiques, bien sûr sur ses chers Yaka.
Et surtout suivez bien les recommandations de Georges à la fin de son article, vous serez récompensés, ça vaut le clic!

Polémiques sur les masques

Troisième partie : confinements et masques chez les Yaka

***

A chaque peuple sa réputation
On a dit que les allemands étaient disciplinés, les anglais flegmatiques, les italiens artistes et les espagnols fiers, ces deux derniers peuples étant de surcroît doués pour les causeries. Tout cela reste à vérifier. Comme tout ce qu’on dit sur les français, bien sûr. Un bon sujet pour la réouverture des terrasses des bistros.
Sait-on qu’il y a d’excellents bistros en plein air en République Démocratique du Congo, avec de la bière bien fraiche ? L’avantage est que là-bas il y a eu plus de la bonne musique. En 1970 on m’y a assuré que les Yaka étaient des gens « incontrôlables », des sortes de gaulois en somme. Il s’agit d’une information parfaitement fiable.

Une autre source fiable est monsieur Arthur Bourgeois. Comme son nom ne l’indique pas monsieur Bourgeois est un honnête citoyen américain et la sommité mondiale de référence en matière d’art Yaka, de toute la culture qui va avec, et de même pour les Suku. Et par extension on peut sans hésitation lui faire confiance pour les peuples voisins. Il confirme qu’autrefois les Yaka étaient des guerriers redoutables. Plutôt indisciplinés, selon d’autres sources.
Il nous apprend aussi nombre de choses sur la n-khanda, la version des Yaka pour la Mukanda. Chez eux la durée de ce confinement pouvait atteindre deux ou trois ans. Une ou deux femmes de confiance étaient désignées pour assurer la subsistance, les rituels étaient nombreux, les règlements à respecter aussi, tout comme une hiérarchie interne entre responsables et entre adolescents. Et, comme partout, la solidarité à l’intérieur de la même promotion d’initiés était totale et acquise pour la vie.

Chez les Yaka, malgré un environnement général de pratiques et contre-pratiques à la logique parfaitement hermétique pour un simple esprit occidental, l’usage des masques mérite l’étonnement : il semble plutôt désacralisé et, finalement assez proche de ce qu’attend le même esprit occidental d’un honnête masque.
Il y a bien Kakuungu, une énormité qu’on ne sort de sa case que pour ramener l’ordre ou pour protéger le camp des sorciers malfaisants qui rodent.
Il est muni d’une épaisse collerette de fibres de raphia, comme tous les masques Yaka.
Cette collerette garantit, lorsqu’ils sont portés, un total anonymat.
Mweelu (Fig. 9) est un masque beaucoup plus courant. Ici il représentera le seul commandement de la Mukanda. Mais ailleurs il pourra être aussi bien être porté par un responsable du camp que par un initié déjà un peu averti, simplement, si on comprend bien, pour masquer l’identité de celui qui sort du camp. Mweelu est d’ailleurs fabriqué un peu à la va-vite, d’un assemblage de fibres, de plumes, de calebasses, de bambous, d’un bec de calao…. Et de la fameuse collerette.  N’étant pas sculpté il n’est que peu représenté dans les musées et collections.

9 Yaka Mweelu M. d'Ethno. Zagreb inv. n°1-405Fig.9 – Mweelu des Yaka.

Kholuka (Fig. 10) et Ndeemba (Fig. 11) sont mieux représentés quoique plutôt rares. Ils ont la même structure, parfaitement fonctionnelle :
Un masque facial en bois, sculpté, souvent doté d’un long nez relevé à la verticale, censé symboliser un sexe en érection (?),
Un casque plutôt pointu, constitué d’un panier en vannerie renversé, fixé au précédent et recouvert de toile de raphia,
Divers ajouts fixés sur ce casque, les Ndeemba destinés aux initiés sont en général munis d’antennes tandis que les kholuka destinés aux responsables, un peu plus grands, peuvent aussi être surmontés d’à peu près n’importe quoi qui aura été retenu cette année-là (maison, scène paillarde, joueur de tambour, animal tacheté…),
Une épaisse collerette de fibres de raphia,
Et enfin, surprise, vers le bas, un manche prolonge la partie sculptée, permettant de tenir le masque devant le visage, à la mode des élégantes vénitiennes !

C’est ce manche qui est l’indice irréfutable : ces masques n’avaient d’autre vocation que de masquer momentanément leur porteur. Une exception en Afrique !                               On tenait à la main le masque, on dansait, on pouvait apostropher ou défier qui on voulait, et puis d’un geste on révélait son identité. On était devenu un homme et on se démasquait ! Au vrai sens du terme (Fig. 12).                                                                             Pas étonnant qu’on en ait fait tant de feux de joie.                                                                    Pas étonnant que peu de masques anciens aient survécu aux feux de joie.

10 Kholuka Venise Peg. Guggenheim Collection n° 76.2553.PG254Fig.10 – Kholuka des Yaka

11 Ndeemba NY Brooklyn Museum n°73.179.3Fig.11- Ndeemba des Yaka

12 Yaka Archives D. Delbard, n° 2059Fig. 12 – Jeunes initiés Yaka. Archives D. Delbard n°2059

Documentation

Autant que possible la documentation suggérée est choisie dans l’excellente Collection Visions d’Afrique, aux éditions 5 Continents, à Milan :

 . Herbert M. Cole, Igbo, 2013.

 . Mary Nooter Roberts et Allen F. Roberts, Luba, 2007.

 . Louis Perrois, Fang, 2006.

 . Jean-Paul Colleyn, Bamana, 2009.

. Anne-Marie Bouttiaux, Guro, 2016.

. Boris Wastiau. Chokwe, 2006.

. Marie-Yvonne Curtis, Baga, 2018.

. Arthur P. Bourgeois, Yaka, 2014.

 

Et aussi :

. Marie-Louise Bastin, La sculpture Tshokwe, ed. Alain et Françoise Chaffin,

  Meudon, 1982.

. Arthur P. Bourgeois, Art of the Yaka and the Suku, ed. Alain et Françoise Chaffin,

  Meudon, 1984.

. François Neyt, Songye,  ed. Fonds Mercator, Anvers, 2004.

. Hélène Leloup, Dogon, ed. Somogy et Musée du Quai Branly, 2011.

 

Et encore, et surtout, ne ratez pas :

Sur le net les documents YouTube des «Zaouli de Manfla», ces extraordinaires   danses des Guro, classées au Patrimoine Mondial Immatériel de l’UNESCO (2017).

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