Le temps des lectures de l’été

Tintin au Congo

Voici venu les jours des lectures de l’été et il me faut le confesser : il y a beau temps que l’envie m’est passée de lire des romans, surtout l’été au soleil, mais cela n’empêche pas qu’on puisse en parler.
Il est toujours gratifiant d’avoir l’air sérieux et de faire semblant d’être un lecteur averti.

A tout seigneur tout honneur, et, puisque j’ai décidé un jour d’être avant tout un visuel, commençons par le plus important : Hergé et Tintin au Congo.
Ne sous-estimez pas Hergé. C’est l’un des auteurs – tous genres confondus – les plus scrupuleux dans la recherche de la documentation pertinente. Nous évoquerons plus loin, rapidement, ces auteurs célèbres et estimables de phrases bien rédigées pour rappeler qu’ils ont donné à la postérité de la francophonie un nombre inestimable de bobards. Mais rappelons que chez Hergé la fiction est toujours intégrée à une réalité de sa fabrication, parfait reflet de la réalité qu’aurait vue un journaliste d’investigation tout à fait pertinent.
Sauf erreur Hergé n’est jamais allé au Congo. Il inaugure avec cet album cette méthode de travail qu’il suivra désormais dans toute sa carrière : il se documente d’abord (il le fera de façon de plus en plus approfondie) et il invente aussi des histoires.
Tintin au Congo est paru d’abord en noir et blanc, de Juin 1930 à juin 1931.
L’œuvre décrit donc la société coloniale de l’époque, avec ses invraisemblables préjugés, plus ridicules, plus insupportables, plus odieux les uns que les autres. De tous les pays coloniaux ou sous mandat de l’époque, le Congo Belge a certainement été, selon mon expérience de terrain personnelle, fractionnée dans les années 50, 60, 70, et 80, le pire du continent (1). Je vais peut-être me faire mal voir par beaucoup d’amateurs de préjugés de tous bords, mais c’est ainsi.
Après la guerre, en 1946, avec Edgar P. Jacobs, Hergé a repris l’album qui a alors été colorié. Dans les années 60 le contenu a été jugé insupportable et l’album a été très mal vu. En Enfer donc.
En 1970 j’ai passé une année au Congo ex-Belge, devenu République Démocratique du Congo. Les congolais, malgré leurs innombrables divergences culturelles ou politiques, pensaient tous à retrouver leur dignité, bafouée au cours des décennies passées. On a tenu à publier une belle revue hebdomadaire, beau papier, belles photos, belles couleurs, de qualité équivalente à l’Express ou au Point. Une revue représentative.
C’était bien trop coûteux à mon avis, pour un pays encore si pauvre. Mais la dignité restaurée n’avait pas de prix et mon avis était celui d’un étranger. Et personne ne me l’a demandé. Je n’avais pas à avoir un avis.
Reste que pour rivaliser avec les revues européennes il fallut choisir une bande dessinée, sorte d’intermède ludique à publier en feuilleton au rythme classique d’une page par semaine. Oui, vous avez deviné ! On a sans hésiter choisi Tintin au Congo !
Tous mes amis congolais étaient hilares, ravis de ce beau coup : se moquer ainsi des niaiseries et de la sottise des préjugés de ces incorrigible belges ! La B.D. était la première page sur laquelle ils se précipitaient.
Je ne sais si de nos jours ces congolais devenus grands-pères ont bien expliqué les choses à leurs petits-enfants, mais en tous les cas ils vous le diraient : vous pouvez sans honte revoir l’album et sourire devant la sottise satisfaite des blancs, vous émouvoir devant la patience des congolais.

tintin au congo 2 (2)

Par ailleurs, si vous tenez à tout prix à trouver un vrai roman de la littérature francophone, respectable et estimable, pour comprendre le monde d’avant les indépendances, je ne peux que vous le déconseiller : nos grands auteurs ont un immense talent, certes, mais leurs informations sont fondamentalement, totalement, du bidon. Certain.
La littérature est-elle l’ennemie de la vérité ?
Vous avez André Gide (1869-1951), ce moralisateur donneur de leçons qui cultivait soigneusement son originale immoralité.
Vous avez l’infréquentable Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), si percutant, si faux et si haineux.
Vous avez Georges Simenon (1903-1989) – un belge – qui a mon admiration pour cette œuvre immense et admirable qu’il nous a donnée. Un bémol : j’ai été stupéfait de lire sa description des charrues attelées à des éléphants, selon lui la vraie bonne idée pour bien préparer l’avenir de l’Afrique… 

Au nord du Sahara vous avez Albert Camus (1913-1960), merveille irréprochable.

En Asie, ne croyez rien de ce que raconte André Malraux (1901-1976), qui y fut un jeune prétentieux. Voleur d’antiquités khmères qui avait tout prévu, y compris de vendre le produit de ses vols à des acheteurs américains et allemands. Il a fait trop peu de prison là-bas et a passé toute sa vie à se racheter. Ce qu’il a fait superbement.
Quel dommage qu’en France certains aient cru bon de signer une pétition pour réclamer sa libération et donc pour absoudre le pillage honteux : Gide, Mauriac, Breton, Aragon, Gaston Gallimard… Les vedettes de l’intelligentsia cooptée de l’époque, anticolonialistes de salon, toutes tendances confondues, trouvaient impensable qu’on puisse punir l’un des leurs, pilleur de temple.

Par contre n’hésitez pas à lire en toute confiance Jean Hougron (1923-2001), Plus vrai que vrai.
Mon admiration va aussi  à ces auteurs anglophones :
Graham Greene (1904-1991), notamment pour « Un américain bien tranquille » rédigé après ses investigations en pleine guerre d’Indochine. Comment fiction peut-elle être plus véridique ?
Et toujours, l’inimitable, le magnifique Somerset Maughan (1874-1965), pour toute son œuvre.

Tous ces gens…. Paix à leurs cendres.

Mais il me faut le rappeler : je ne suis pas un vrai lecteur.

  • Je n’ai rien vu de la Namibie ni de l’Afrique du Sud.

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