LES DOGONS : Photographies (novembre 2006) et texte Christian Travers
Aujourd’hui Christian nous livre un dossier nourri sur les Dogons, qui rappellera à nombre d’entre nous de nostalgiques souvenirs de voyage…
Les Dogons sont environ 700 000 (ou 300 000 selon les sources !). Ils vivent principalement au centre du Mali autour et dans les falaises de Bandiagara, longues de 200 km, situées près de Mopti, non loin de la frontière avec le Burkina Faso. Ils ont longtemps résisté à l’expansion de l’Islam et des Peulhs et c’est probablement pour cela que, succédant aux Tellem (« les gens d’autrefois »), ils se sont réfugiés dans ce territoire escarpé, facile à défendre, au quinzième siècle ou un peu avant.
C’est un peuple d’agriculteurs : mil, sorgho, riz, maïs, tabac, et des cultures maraichères dont l’oignon. Cette dernière culture encouragée par Marcel Griaule a désormais acquis une réputation qui dépasse les villages de la falaise. Elle est devenue essentielle à l’économie locale. Des élevages de chèvres et de moutons et aussi de poules complètent les ressources locales.
Le site, l’habitat et la richesse culturelle des Dogons attiraient encore il y a une dizaine d’années de nombreux touristes, ce qui n’est plus possible aujourd’hui.
Sans entrer dans le détail il faut dire que la cosmogonie des Dogons est également emblématique. Même s’ils sont aujourd’hui à majorité musulmane ils ont encore de beaux restes de leurs traditions animistes. Tous les êtres, à commencer par les hommes, possèdent un nyama, une énergie vitale qu’il convient de préserver. Ils croient en un dieu créateur, tout puissant nommé Amma qui a créé la terre. Il a donné naissance à des jumeaux, appelés Nommo puis à 8 ancêtres et à « Renard pâle » (ouYuguru, le chacal). Les ancêtres sont très importants et ils sont également l’objet d’un culte. Après les premières funérailles le corps du défunt était transporté dans des grottes de la falaise afin de rejoindre les restes des ancêtres. Aujourd’hui, l’islam prévoyant l’enterrement des corps avant 24 heures, ces pratiques disparaissent.
Les Dogons recherchent en permanence l’harmonie et lorsqu’ils se rencontrent ils ne cessent de se saluer en posant chacun des questions sur la santé de la famille de l’autre au sens large du thème. La réciprocité s’impose et le dialogue peut ainsi durer longtemps, sans empêcher les protagonistes de poursuivre leur marche ou leur travail.
Dans chaque village une case à palabres, appelée toguna, permet aux anciens de se réunir et de prendre les décisions qui concernent la communauté … ou de se reposer à l’ombre. Les affaires importantes comme les projets de mariages ou les allocations de terres sont discutées et tranchées par les sages mais les interventions du Hogon, le chef religieux, si elles sont sollicitées, sont décisives. La toguna à une hauteur inférieure à celle d’un homme. C’est sans doute pour préserver la fraicheur mais on dit aussi que c’est pour limiter un éventuel emportement et éviter les fâcheuses conséquences d’un désaccord. Les huit piliers en bois sculpté soutiennent dans le meilleur des cas huit couches de chaume à base de tiges de mil. Ce nombre huit représente les premiers ancêtres constitués par les 4 couples des jumeaux fondateurs qui figurent également souvent sur les piliers et les portes.
Dans les villages les cases d’habitation sont en argile et à toit plat alors que les greniers, sous la responsabilité exclusive soit des hommes soit des femmes, sont à toit conique.
Une case retirée à l’écart du village est dédiée aux femmes pendant les jours de leur menstruation.
Chez les jeunes les relations sexuelles se pratiquent tôt avant le mariage qui lui, obéit à des contraintes sociales. Les enfants appartiennent au lignage paternel, y compris en cas de séparation.
Dans chaque village un hogon est élu parmi les hommes les plus âgés. Il doit alors subir une réclusion de 6 mois. Sa nourriture est préparée et apportée par une jeune fille impubère dans un plat spécial. Il est en contact direct avec Amma, le dieu créateur. Chaque nuit le serpent Lébé vient le purifier et lui apporter la sagesse de ses conseils. Il officie pour déclencher les pluies fertilisantes. Il a de grands pouvoirs mais aussi beaucoup d’obligations ce qui en découragent certains… Il est aidé dans celles-ci par le binu qui est en particulier chargé des sacrifices.
Pour la circoncision qui concentre deux ou trois classes d’âge, de 15 à 18 ans, les femmes ne peuvent assister à cette cérémonie qui a lieu à l’aube et dont l’acte chirurgical est assuré par un forgeron habile. Après leur retraite les garçons reviennent au village et sont accueillis par une fête qui peut durer deux à trois jours et où les femmes sont admises ainsi que les jeunes filles avec qui les jeunes circoncis peuvent exprimer leur préférence et danser avec les élues.
L’excision qui semble avoir été importée par l’islam n’est pas pratiquée dans tous les villages. Elle se passe dans la discrétion et très tôt dans la vie d’une fille.
Deux grands rites spectaculaires, le Dama et le Sigi contribuent à raffermir les liens de solidarité entre les membres du village ou de la région. Le Dama est célébré tous les deux ou trois ans et constitue l’ultime phase du rituel des funérailles. C’est la levée du deuil qui remet en ordre les forces spirituelles libérées par le surgissement de la mort. C’est le passage des dépouilles au monde des ancêtres. Le Sigi est un rite itinérant qui se déroule tous les soixante ans. Le prochain est prévu en 2027. Il s’agit de célébrer l’être mythique Dyongu Seru et la mort du premier homme. Mort et résurrection, fin et renaissance du monde. Rétablissement de l’ordre social et maintien de bonnes relations entre le monde des vivants et celui des morts. L’emblème de cette célébration, un haut mat de 5 à 10 m de hauteur, s’appelle également le Sigi.
Des fêtes secondaires sont également marquées : celle des semailles, au milieu de l’année, lorsque les pluies commencent à tomber. Et la fête de fin d’année, la fête des loisirs lorsque les récoltes ont été engrangées.